Les écoles de hameaux du Finistère

École de Saint-SébastienCommune de Poullaouen
Projet d’école non abouti

Préambule

« Le plus grand obstacle à ce que l’éducation primaire s’étende dans les campagnes principalement, est la dispersion des habitations. Peu de communes, même les plus populeuses, offrent une portion considérable de population agglomérée. Les hameaux (appelés villages) sont très multipliés et écartés du chef-lieu ou clocher (appelé bourg), qui lui-même ne se compose que d’un petit nombre de maisons voisines de l’église. D’ailleurs les communications sont très difficiles, les chemins vicinaux étant boueux, pendant la plus grande partie de l’année,… » [1].
Cette situation décrite le 31 mai 1817 par le préfet d’Ille-et-Vilaine d’Allonville dans un rapport qu’il adresse au ministre de l’Intérieur est tout à fait celle constatée dans le Finistère par les dénombrements de population de 1881 [2] : ceux-ci montrent en effet que seulement 15 à 20 % de la population des communes rurales habitent dans un bourg !
En 1876, une circulaire [3] du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts avise les préfets de dispositions du gouvernement tendant à mailler le territoire d’écoles primaires de façon à ce qu’elles soient « à portée des familles, et que, dans aucun cas, l’enfant de six à treize ans n’ait à parcourir une distance tellement grande que son assiduité ne puisse être raisonnablement exigée ».

La commune de Poullaouen

Poullaouen est une commune très étendue du Kreiz Breizh. Commune rurale aujourd’hui, elle a vécu jusqu’à un passé récent de l’exploitation d’une mine de plomb et d’argent.
Pour en savoir plus à ce sujet :
Wikipédia, Poullaouen
L’inventaire du patrimoine culturel en Bretagne, les anciennes mines de plomb et d’argent
 

Le 21 mai 1883, Alexandre Dreux, inspecteur d’académie du Finistère écrit :

La commune de Poullaouen, une des plus grandes du Finistère, a une superficie de 7 136 hectares et une population de 2 966 habitants. Il en résulte que les enfants de six à neuf ans, situés à quatre et même six kilomètres du bourg, ne peuvent en fréquenter les écoles.
La création de deux écoles de hameau est donc nécessaire.

Archives départementales du Finistère, 2 O 1/1574, 21 mai 1883.
Carte de Poullaouen avec emplacement des écoles, © Bernard Kerneis.

L’école du hameau de Saint-Sébastien

➥ Le projet au XIXe siècle

En 1883 deux projets d’école sont déposés dans le cadre du plan Grévy. Ces projets concernent les hameaux de Saint-Sébastien (Quénéqué) et de Saint-Tudec. L’avancement de ces dossiers va très loin : ils donnent lieu à adjudication, les plans sont approuvés, les subventions obtenues, les terrains trouvés...
 
C’est le choix du terrain pour l’école de Saint-Sébastien qui fait traîner le dossier et est à l’origine de son abandon. L’emplacement choisi (parcelles cadastrales H 462 dénommée Terrien-Bras et H 552 Parc-Pont-Ar-Gô-Tosta) nécessite d’empiéter sur la propriété de M. de Kergariou. Celui-ci étant opposé à la vente, une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique est menée et un décret valide l’indemnisation.
 
En 1886, le maire est confronté à une opposition au sein de son conseil et parmi la population : il ne poursuit pas les formalités.

Poullaouen le 20 mai 1886
à Monsieur le sous-préfet de Châteaulin,
En réponse à votre lettre du 15 courant, dont le contenu me met dans le plus grand embarras, attendu que le conseil municipal et la grande majorité des habitants de cette commune considèrent la construction d’école de Saint-Sébastien comme onéreuse plutôt qu’utile, j’ai l’honneur de vous faire connaître que je ne puis transmettre le dossier réclamé ne l’ayant pas encore complété par l’enquête ordonnée par votre lettre du 13 février 1885.
Les réparations très urgentes et importantes à faire à nos maisons d’école actuelles, faisant depuis longtemps le principal objet de notre préoccupation, nous ont presque décidés à renoncer à la construction de cette école de hameau au profit de celles du bourg, si cela était possible…

Archives départementales du Finistère, 2 O 1/1574, 20 mai 1886.

 

Malgré le désir de l’inspecteur d’académie et du préfet de poursuivre malgré tout l’exécution de l’expropriation, ce projet est abandonné mais les crédits ne sont pas pour autant glissés sur l’école du bourg !
 

Le second projet, celui du hameau de Saint-Tudec, semble alors bloqué lui aussi : les informations de la série 2 O ne vont pas plus loin sur ce sujet, les vues aériennes ne montrent aucune construction sur la parcelle envisagée, (n° 379, section L du cadastre napoléonien, au hameau de Pen-Ar-C’histillic et appelée Menez-Bic). Dommage collatéral de l’abandon de celui de Saint-Sébastien ?

➥ Nouveau projet au XXe siècle

• 6 juin 1924 : le conseil municipal relance un projet d’école pour le hameau de Saint-Sébastien, en même temps qu’il en cible un pour le secteur de Saint-Victor (Pen-Ar-Helf-Du).

Les habitants de Saint-Sébastien et Saint-Victor réclament chacun une école de hameau depuis fort longtemps. Ces deux centres étant éloignés de trois à huit kilomètres des écoles du bourg et réunissant un effectif de 81 élèves le premier et un effectif de 103 élèves le deuxième, d’âge scolaire, il y aurait lieu pour se conformer aux prescriptions de la loi du 20 mars 1883 de créer dans chacun de ces quartiers une école à deux classes.

Archives départementales du Finistère, 2 O 1/1574, 6 juin 1924.

• 17 septembre 1926 : approbation de la création de l’école de Saint-Sébastien (et de celle de Pen-Ar-Helf-Du) par arrêté ministériel.
• novembre 1926 : acquisition par la commune du terrain pour le projet de Saint-Sébastien. C’est l’emplacement qui avait été choisi en 1883 (Terrien-Bras et Parc-Pont-Ar-Gô-Tosta) !
M. Le Rumeur, architecte à Huelgoat, réalise les plans, cahiers des charges et devis.

Mais le projet semble s’être encore arrêté là...




[1CHALOPIN (Michel), L’enseignement mutuel en Bretagne de 1815 à 1850, Éducation. Université Rennes 2, 2008, p. 15-16.

[2Estimation de population effectuée d’après les dénombrements de population des communes rurales. Archives départementales du Finistère, série 6 M.

[3Persée, circulaire du 15 juin 1876 relative à la construction des écoles primaires.



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Dernière modification le 20 juin 2023.